Au moment où le régime micro devient moins favorable pour les loueurs en meublé, certains pourraient être tentés de passer au régime réel (en pariant sur le fait que la réforme ne va pas supprimer le régime du meublé mais c'est un autre sujet).
Il est possible de passer du micro au réel à condition de faire l'option en début d'année, au titre de l'année en cours.
Une question délicate est de savoir quel doit être le régime fiscal de ce passage : quelle doit être la valeur d'inscription de l'immeuble à l'actif du premier bilan ?
Cela rejoint une autre question du même type : quel régime s'applique au cas inverse, c'est à dire au passage du réel au micro, faut-il constater une cessation d'activité taxable ?
Une autre question : quel est le régime fiscal des plus-values d'un LMP au micro qui vend son bien ?
La réponse à ces questions n'est pas évidente et peut donner lieu à débat.
En janvier 2021 un nouveau régime social du meublé a été mis en place.
Il prévoit deux cas d'assujettissement au régime social des indépendants : les LMP au sens fiscal, et les LMNP qui font du meublé de tourisme et qui ont des recettes supérieures à 23 K€ (au sens du seuil défini pour les LMP).
Ce nouveau régime social aurait dû être précisé par décret, notamment pour le régime social des indivisions mais aucun décret n'a été publié.
De même, à ce jour, aucune circulaire n'est intervenue pour répondre aux nombreuses questions qui se posent.
L'URSSAF a juste publié un site internet plutôt bien fait qui répond à certaines questions et propose des liens pour s'immatriculer. Le site est notamment bien fait pour présenter les 3 régimes possibles pour les petits loueurs en meublé touristiques. Mais ce site ne répond pas à toutes les questions.
Par ailleurs, il est toujours possible d'interroger l'URSSAF par courriel, et les réponses sont transmises également par courriel. Mais il m'est arrivé d'obtenir des réponses opposées aux mêmes questions, les agents de l'URSSAF n'ayant pas de circulaire pour accorder leurs violons.
Certaines des réponses que j'ai pu consulter sont très contestables.
Par exemple l'application du principe "l'URSSAF un jour, l'URSSAF toujours" selon lequel si vous être devenu assujetti une année parce que vous remplissez les conditions cette année-là, vous devenez assujetti pour toutes les années suivantes, même si vous ne remplissez plus ces conditions. C'est ainsi qu'un LMP devient assujetti et le reste au titre des années suivantes, même s'il redevient LMNP. C'est illégal selon moi.
Autre pratique contestable : si vous êtes LMNP, vous devenez assujetti si vous dépassez le seuil de 23 K€ de recettes au niveau global, même si votre chiffre d'affaires de meublé touristique est limité à 100 €.
De plus, selon moi, ce nouveau régime du meublé est d'une validité constitutionnelle très douteuse car il renvoie au régime fiscal du LMP, et même pour les LMNP puisqu'il renvoie au régime LMP pour la définition du seuil de 23 K€.
Or, ce renvoi aboutit à définir en partie le régime social d'un loueur en meublé sur la base des revenus professionnels et des recettes de location meublée de l'autre conjoint. Un exploitant de location meublé peut se retrouver assujetti à l'URSSAF au seul motif qu'il se marie alors qu'il n'était pas assujetti en tant que célibataire.
Cela résulte du fait que les seuils fiscaux se déterminent sur la base du foyer fiscal : or autant il est logique en matière fiscale d'utiliser des critères liés au foyer fiscal, autant cela me paraît absurde et discriminatoire de le faire en matière sociale. Il y a un foyer fiscal. Il n'y a pas de foyer social.
Toutefois, il faut relativiser les effets négatifs de l'assujettissement à l'URSSAF.
En pratique l'enjeu est limité le plus souvent au régime de la vente des immeubles. Cela peut provoquer l'assujettissement aux cotisations sociales des plus-values à court terme. Selon moi toutefois, cela ne concerne pas les LMNP, puisqu'ils relèvent des plus-values privées. Donc il faut s'appliquer à devenir LMNP avant de vendre.
Et maintenant l'actualité : l'URSSAF attaque (un peu)
Compte tenu de ces nouvelles règles et du fait que l'URSSAF a accès aux déclarations de revenu des particuliers et des recettes réalisées par les plates-formes internet, de nombreux exploitants de location meublé qui ont omis de se déclarer à l'URSSAF devraient être poursuivis par l'URSSAF.
En pratique c'est loin d'être le cas pour l'instant mais il m'a été remonté plusieurs cas de demande d'information et d'assujettissement aux personnes faisant du meublé touristique et dépassant 23 K€ de recettes, et sur la base des informations transmises par les plates-formes internet.
Donc l'URSSAF commence à faire des contrôles et des rappels et cela risque de s'intensifier dans les prochains mois.
En cas de rappel, il est essentiel de faire appel à un avocat spécialisé dans les procédures en matière sociale (ce qui n'est pas mon cas), en se faisant aider par un avocat compétent sur le régime fiscal du meublé (comme moi) puisque le régime social est directement inspiré du régime fiscal (impossible à comprendre pour un non-fiscaliste).
Pour l'avenir encore une réforme ?
Il est vraisemblable que le régime social du meublé soit encore modifié dans les prochains mois. En effet, comme il faut prévoir une réforme du régime fiscal du meublé, il serait logique que cela entraîne une réforme du régime social. Si par exemple les revenus de location meublée sont rattachés aux revenus fonciers, ils devraient logiquement échapper aux cotisations sociales.
En tout état de cause, il serait judicieux de revoir ce régime social du meublé qui prévoit trop de cas d'assujettissement. Il est incohérent de considérer que l'activité de location meublée est une activité de gestion de patrimoine et, en même temps, de l'assujettir aux cotisations sociales de travailleur indépendant, sous prétexte notamment qu'elle relève de la qualification de LMP.
Selon moi, il faudrait éviter de rapprocher de façon trop simpliste le régime fiscal du régime social mais il est possible d'essayer de trouver une logique commune en se basant sur le droit privé.
Les activités d'hébergement (court séjour même sans service et long séjour avec services), de nature commerciale au sens du droit privé selon moi, doivent logiquement être assujetties aux cotisations sociales. Mais les activité de location meublée longue durée sans service sont des activités civiles de gestion patrimoniale qui ne devraient pas être assujetties.
Idem au plan fiscal. S'il faut faire une réforme, pour les nouveaux investissements, du régime fiscal de la location meublée, il faudrait appliquer le régime des revenus fonciers à la location meublée longue durée sans service, et appliquer le régime des BIC de droit commun aux activités d'hébergement.
Le nouveau régime micro du meublé tel qu'il résulte de la loi de finances pour 2024 serait celui du tableau suivant mais attention aux évolutions encore possibles dans les prochaines lois.
Meublé de tourisme non classé | Meublé de tourisme classé | Chambre d'hôtes | Parahôtellerie autre que les chambres d'hôtes | Location meublée longue durée | |
Seuil | 15 000 | 188 700 | 188 700 | 188 700 | 77 700 |
Abattement normal | 30% | 71% | 71% | 71% | 50% |
Majoration d'abattement en zone non tendue si total CA < 15 000 | 21% |
Complément du 19 janvier 2024
Le texte légal est le suivant :
Article 50-0V
1. Sont soumises au régime défini au présent article pour l'imposition de leurs bénéfices les entreprises dont le chiffre d'affaires hors taxes, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation au cours de l'année de référence, n'excède pas, l'année civile précédente ou la pénultième année :
1° 188 700 € s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, à l'exclusion de la location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés, autres que ceux mentionnés aux 2° et 3° du III de l'article 1407 ;
1° bis 15 000 € s'il s'agit de la location directe ou indirecte de meublés de tourisme au sens de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme ;
2° 77 700 € s'il s'agit d'autres entreprises.
Lorsque l'activité d'une entreprise se rattache aux trois catégories définies aux 1°, 1° bis et 2°, le régime défini au présent article n'est applicable que si le chiffre d'affaires hors taxes global de l'entreprise respecte la limite mentionnée au 1° et si :
a) Le chiffre d'affaires hors taxes afférent aux activités de la catégorie mentionnée au 1° bis respecte la limite mentionnée au même 1° bis ;
b) Et le chiffre d'affaires hors taxes afférent aux activités de la catégorie mentionnée au 2° respecte la limite mentionnée au même 2°.
Le résultat imposable, avant prise en compte des plus ou moins-values provenant de la cession des biens affectés à l'exploitation, est égal au montant du chiffre d'affaires hors taxes diminué d'un abattement, qui ne peut être inférieur à 305 €, de :
-71 % pour le chiffre d'affaires provenant d'activités de la catégorie mentionnée au 1° ;
-30 % pour le chiffre d'affaires provenant d'activités de la catégorie mentionnée au 1° bis ;
-50 % pour le chiffre d'affaires provenant d'activités de la catégorie mentionnée au 2°.
Les plus ou moins-values mentionnées au huitième alinéa du présent 1 sont déterminées et imposées dans les conditions prévues aux articles 39 duodecies à 39 quindecies du présent code, sous réserve de l'article 151 septies. Pour l'application du présent alinéa, les abattements mentionnés aux huitième à onzième alinéas du présent 1 sont réputés tenir compte des amortissements pratiqués selon le mode linéaire.
Les entreprises qui relèvent du présent régime bénéficient d'un abattement supplémentaire de 21 % pour le chiffre d'affaires afférent à leur activité de location de locaux classés meublés de tourisme mentionnés au 2° du III de l'article 1407, lorsque ces derniers ne sont pas situés dans des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements, sous réserve que le chiffre d'affaires hors taxes, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation au cours de l'année de référence, afférent à l'ensemble des activités de location de locaux meublés mentionnées au présent 1 n'excède pas au cours de l'année civile précédente 15 000 €. Le bénéfice de cet abattement supplémentaire est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis."
En fait selon moi, le raté est dans l'expression du 1° : "ou de fournir le logement, à l'exclusion de la location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés, autres que ceux mentionnés aux 2° et 3° du III de l'article 1407 ;"
C'erst une double exception. La fourniture de logement est visée par le 1° (celle qui a droit à l'abattement majoré de 71 %) mais à l'exclusion de l'activité de location meublée. Sauf qu'il y a en plus une exclusion dans l'exclusion : "autres que ceux mentionnés aux 2° et 3° du III de l'article 1407".
Ce qui est exclut de l'exclusion c'est la location meublée classée et les chambres d'hôtes qui sont cités aux 2° et 3° de l'article 1407.
Donc s'ils sont exclus de l'exclusions, c'est qu'ils sont inclus.
Donc la location meublée classée a toujours droit à l'abattement de 71 %, même si elle en aussi visée, de façon générale comme toute location meublée de tourisme au 1° bis, car selon moi, le texte d'exception l'emporte sur le texte général.
Il aurait fallu supprimer l'exclusion de l'exception pour les meublés de tourisme classé au 1° et rajouter une exclusion des meublés classés du 1° bis.
Ainsi les meublés classés auraient relevé du droit commun du 2°, et donc du régime de 50 % et alors les règles auraient été les suivantes :
Meublé de tourisme non classé | Meublé de tourisme classé | Chambre d'hôtes | Parahôtellerie autre que les chambres d'hôtes | Location meublée longue durée | |
Seuil | 15 000 | 77 700 | 188 700 | 188 700 | 77 700 |
Abattement normal | 30% | 50% | 71% | 71% | 50% |
Majoration d'abattement en zone non tendue si total CA < 15 000 | 21% |
Ce qui aurait été beaucoup plus cohérent.
Dans le projet de loi LE MEUR qui ne vise que les meublés de tourisme, le projet est le suivant :
Meublé de tourisme non classé | Meublé de tourisme classé | Meublé de tourisme non classé | Meublé de tourisme classé | |
Zone détendue | Zon tendue | |||
Seuil | 77 700 | 188 700 | 15 000 | 30 000 |
Abattement normal | 50% | 71% | 30% | 50% |
Le meublé de tourisme est aujourd'hui attaqué de toute part. Les élus locaux des zones touristiques, largement inspirés par le lobby des hôteliers, lui trouve tous les défauts.
L'accusation principale est d'être la cause des difficultés de logement des habitants locaux.
Les résidents à l'année des zones touristiques n'arrivent plus, ni à acheter, ni à louer des logements car les logements sont achetés massivement comme des résidences secondaires par des parisiens et ces derniers, pour rentabiliser leur achat, louent leurs biens aux touristes grâce aux plates-formes internet.
Et le développement de ce marché du meublé de tourisme génère un afflux délirant de touristes, c'est le surtourisme.
Enfin, ce développement est rendu possible par un régime fiscal de faveur, le régime du micro qui permet un abattement de 71 %, alors que la location nue ne peut bénéficier que d'un abattement de 30 %.
Un tel diagnostic est repris par nos énarques (voir notamment en ce sens le dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, sorte d'émanation de la Cour des Comptes).
Or ce diagnostic est grossièrement faux, même s'il peut s'appuyer sur certaines vérités.
L'annonce 2024 s'annonce mal pour les loueurs en meublé, les rapports s'entassent pour condamner le régime fiscal du meublé.
Encore un rapport celui du Conseil des Prélèvements Obligatoires "Pour une fiscalité du logement plus cohérente"
Voir surtout la page 70 du rapport particulier sur la fiscalité du logement
Point positif du rapport : la nécessité d'instaurer une clause de grand-père, c'est à dire protéger les personnes qui ont déjà investi sur la base d'un régime fiscal de faveur en leur permettant de le conserver pour les investisements déjà réalisés.
Ci-joint une réponse du ministre à une question un peu foireuse d'une sénatrice (alors qu'il y en a d'autres autrement plus intéressantes) mais cela permet de rappeler le contexte et le sens exact de la règle des 120 jours. Bonne réponse du ministre.
La fiscalité aussi, c'est compliqué et dangereux. Pour gérer vos problèmes fiscaux, pour faire face aux contrôles, et pour réduire le coût fiscal sur vos opérations ou sur vos revenus, je peux vous aider.